mercredi 31 octobre 2007

lundi 29 octobre 2007

L'allemand, une langue pas si étrangère

Contre vents et marées j'entretiens depuis toujours avec l'Allemagne une histoire d'amour passionnée.


Son esthétique déjà. Solide et complexe, toute en constructions géométriques, faite de lignes de fuites, de plans et d'arrières plans.

Ses peintres merveilleux. Schiele surtout qui m'accompagne partout comme un ami fidèle, Gerstl à l'autoportrait riant depuis longtemps punaisé au-dessus de ma porte, les portraits de Böckl et ses aquarelles sensuelles et fragiles, aériennes touches de couleur aux équilibres parfaits.
Une partie de moi, en double fantôme, erre encore prisonnier dans les rues de Vienne entre Belvédère et Palais de la sécession.


Ses habitants surtout.

Plus adolescent, pas adulte encore, je me rendai à Francfort chez une amie de mon père pour y apprendre les subtilités du délié de la langue germanique. J'y déambulai tout le jour impressionné par le caractère systolique des autochtones, me gavant de bretzel et de bières amères dans des winstubs enfumés. Le soir venu je recréais dans ma chambre les esthétiques alambiquées de l'expressionnisme allemand avec la complicité riante de mon hôtesse. Elle, une coupe à la Louise Brooks et le regard en amande dans des poses improbables, moi, impressionné, imaginant sa peau diaphane au grain blanc velouté frissonnant sans défense sous mes caresses hâtives.


Cet amour depuis ne s'est jamais démenti ; les embuches ont pourtant été nombreuses.

Ma prof d'allemand, sous les traits d'un messager autoritaire, visage poupon encadré de lunettes fortes, était chargée par un esprit supérieur de tester ma foi naissante.

Elle usait et abusait comme sujets de leçons des thèmes les plus sinistres et les plus improbables.

Nous pensions à chaque séance avoir épuisé ses projets morbides mais, chaque semaine avec une régularité déroutante, elle alimentait sa petite boutique des horreurs de nouvelles abominations.

En vrac : faire de l'autostop à Tchernobyl, le cancer, le nazisme, la pauvreté, le suicide, la prostitution, les enfants battus, et j'en passe… Délice suprême quand elle mêlait les genres...


Nombreuses furent les victimes collatérales. Les amis épuisés qui dans un râle demandaient grâce. Les filles prises de délire, tremblotantes devant la face émaciée d'un orphelin éthiopien victime de guerre tribale, muettes, les larmes aux yeux, n'en pouvant plus. Des rangs, toujours plus clairsemés, s'enfuyant sans espoir de retour sous le regard amusé de notre bourreau.

Pour ma part je me mis en résistance et décidai de n'en apprendre rien. Entièrement tourné vers mon art [et subjugué par les formes plantureuses de cette matrone implacable], je restai insensible à son message. Au terme de ma scolarité, c'est vierge de toute corruption que j'échappai à mon sort ; nul en allemand mais sauf de tout parjure.



J'avais depuis longtemps oublié cette histoire quand un détail a troublé ma quiétude. Spectateur assidu des salles UGC je notai que le Label des spectateurs n'était depuis quelques temps qu'une suite sans fin de situations sans espoir. Un défilé de miséreux, de tétraplégiques, de paralysés sans espoir de rémission, d'orphelins abandonnés et livrés aux quatre vents, de belles anorexiques poussées au suicide, de rescapés en sursis, de catastrophes sans lendemain…

Refusant d'y voir une coïncidence, j'échafaudai les hypothèses les plus audacieuses et fis des jours durant des recherches fiévreuses. La vérité enfin se livra à moi dans toute sa simplicité : lassée d'effrayer des élèves sans défense [et ayant somme toute failli à sa mission] la prof d'allemand de mon enfance au rire innocent s'était attaquée à une tout autre challenge.

A chaque projection, je me fige et étouffe un petit rire crispé et l'imagine trônant sans rivale, maitresse ès programmation parmi un staff terrorisé, rayonnante, sure d'elle et de son art, au faîte de son génie pour notre plus grand malheur !

dimanche 21 octobre 2007

Giacometti à Beaubourg


Expo Alberto Giacometti à Beaubourg. Assez loin des idées stéréotypées que l'on se fait sur ce grand sculpteur.

Beaucoup de travaux préparatoires ; des plâtres, des esquisses, des carnets de croquis.

Des dessins sur les murs de son atelier qui font des arrières plans superbes, rouges et ocres, où le regard se perd.

Des photos.

De grands bronzes superbes qui, même tout petits, paraissent immenses.

De nombreuses toiles également, de Annette et de Caroline, parce que Giacometti était aussi un grand peintre.

Un souci de cadrage. De retrancher pour n'en garder que l'essentiel.

Un beau lieu d'exposition sur les toits suspendus de Paris [ouvert sur un horizon de reflets scintillants, prolongeant le regard, recréant une atmosphère un peu onirique] convenant superbement à cette oeuvre élancée et aérienne.

mardi 16 octobre 2007

Ma vie en un raccourci

En ce temps là, j'étais jeune encore. Je faisais des visites régulières à une brune pas farouche qui avait posé les bagages de sa vie aventureuse Rue du théâtre, à Paris, à deux pas de la Tour Eiffel.

Un bel appartement, 3 pièces tout confort. Je n'en ai pas vu de si beaux depuis. Un luxe de sur mesure, de tissus riches et de drapés soyeux. Je profitais de ce luxe éphémère, devinant ma chute prochaine, m'enivrant de couleurs, de caresses et d'odeurs.

J'étais fébrile alors. Je fumais beaucoup et mangeais peu. Brûlant de mille feux pour ma belle ténébreuse, je grillais de l'essence dans des allés/retours Province/Paris sans fin (le trou de la couche d'ozone, c'est moi !) et promenais ma carcasse de grand échalas dans la brume au soir tombé, ruminant de sombres pensées, contemplant ma perte et m'y précipitant néanmoins avec délices.

Mon destin d'alors avait cela de pratique : il était prévisible. D'un grand éclat de rire ma belle prit son envol, me laissant seul sous un ciel lourd de nuages.


Les années ont passé.

Assoiffé de couleurs, je troquai les cheveux aux profonds noirs de jais pour un rouge exubérant. Amoureux de la vie, je quittai ma province et les avenues de papier glacé pour un appartement sur le Canal Saint-Martin. J'y mène une vie mouvementée dans un monde en raccourci, rythmée par les crises d'angoisses de locataires pris de démence. [L'immeuble lui-même semble agité de vie. Pas un calme apaisé, non, mais une violence brutale. Une respiration sifflante de tuberculeux. De longues plages de rémission, comme pour rassembler ses forces, avant déchaîner les rounds de furie destructrice. Une vie de respirations crachouillantes, de spasmes et d'humeurs. De folies incontrôlées, de vents de paniques plus vraiment maîtrisés, de soubresauts agités et nerveux. A chaque étage sa psychose, son fou et sa lubie.]


Cette existence tempétueuse dans une cage à lapin, les enchaînements de nuits blanches et de jours noirs, commençaient à sérieusement me lasser, et soucieux d'accomplir le rêve d'une vie -[en somme de lier l'utile à l'agréable]- je décidai de m'expatrier sous d'autres cieux plus cléments. Pour des raisons très irrationnelles, mon dévolu s'est arrêté sur la belle province du Québec, objet dans un coin de mon esprit des fantasmes les plus fous.



Depuis longtemps je ne pensais plus à mon adolescence, quand un hasard rigolard me fixa rendez-vous.


Suspendu dans les airs entre deux mondes, à cheval entre Dupleix et Bir-Hakeim, sur un fil invisible je vis défiler ma vie en un raccourci attendrissant. J'assistai en spectateur amusé à ma résurrection. Une petite mort sans douleur, un endormissement, une vie passée que je garde bien au chaud à l'intérieur de moi. Pour l'oublier pourtant. Et, dans un grondement de rouages : une naissance, une vie nouvelle loin des efforts vains ; des promesses de voyages, un horizon de glace, de l'air gavé d'oxygène à nous en étourdir et ce sang visqueux coulant avide et chaud dans nos veines.

Sur le quai j'aperçus une âme follette souriante, à la chevelure d'un rouge farfelu. Un phare indispensable aux aventuriers de l'improbable. Une fée sautillante et joyeuse prête à toutes les aventures. La face lumineuse de mon âme damnée. L'ange gardien de ma nouvelle vie.

Je descendis du métro en homme neuf. A mi-chemin entre la Tour Eiffel et la Statue de la liberté. Et me lovai dans les bras alanguis de ma maîtresse...

jeudi 11 octobre 2007

Charrette

Voila une semaine que je suis ligoté à une chaise, vissé à une table, le yeux plongés dans l'écran vitreux qui me fait face [comme les jeux que nous faisions lorsque nous étions enfants, sauf qu'ici personne n'a envie de rigoler...], effet hypnotique, je lutte pour ne pas me faire engloutir et passer de l'autre coté du miroir... [Ce face à face sanglant me fait souvent penser aux baisers tragiques des amants, chacun essayant de manger l'autre. Des grands peintres s'y sont essayé - Lydie Arickx, Roger Decaux ou Paul Rebeyrolle- il se dégage de leurs oeuvres une tension qui donne le vertige. Au cinéma, dans un autre style, on voit ça très bien dans le Baiser de la femme araignée...]

A la manière d'une dactylo habile, je tape des lignes de code à la volée. Mon univers se rétrécit, ma vision se brouille, quand je ferme les yeux les murs semblent suinter d'idéogrammes sans fin, je comprends alors la douleur des insectes et des robots...

Heureusement (car il y a un heureusement), un cordon ombilical me relie au monde et alimente ma solitude de musique de charrette.

En vrac, Tom Waits, Buck 65 [surtout l'album Square, sorte de fresque de l'impossible, très travaillé], Antony and the Johnson, Sade [pour l'irremplaçable Jezabel], Dylan [when the deal goes down, ce clip que j'aime tant et sur lequel je vais jeter un coup d'oeil de temps en temps], et en ce moment un groupe français découvert récemment, Les Blaireaux [en concert à Paris le 18 octobre, qu'on se le dise].

Vivement la mise en ligne !

vendredi 5 octobre 2007

A écouter en boucle

Deux groupes qui donnent le vertige, à écouter en boucle (je que je fais à longueur de journée, le casque sur les oreilles...) !

Thedo, un groupe Finlandais, bientôt en concert à Paris, le 4 décembre, vivement !
Sur Myspace...















Little Annie et sa chanson enivrante Strange Love, à écouter en boucle ...
Sur Myspace aussi...

De quoi bien attaquer le week-end qui se profile à l'horizon !

mercredi 3 octobre 2007

Olé !

AR rapide Paris Valence, je pensais avoir du temps pour visiter la ville et marner rêveur devant les oiseaux rares de la récente coupe de l'América ... Nada !

Deux jours passés dans les transports [RER glauque des petits matins parisiens ; pressurisé comme une tortilla espagnole dans mon siège Vueling ; bringuebalé à fond la caisse dans des taxis fous furieux zigzaguant entre les piétons, évitant les accidents au risque d'en créer d'autres, mais se faisant un point d'honneur à ne pas me faire perdre trop de temps, ce que je saluais à grands coups de gracias crispés].

Deux jours de réunions ou l'important n'est pas le contenu finalement [Internet & Co], mais l'amitié entre les peuples [n'oublions pas que cette petite sauterie décontractée était organisée par l'Europe] !

Deux jours de décalages horaires, de nuits dézinguées, de sommeil écourté, de tapas, de canapés virevoltants et de grands verres de vin rouge !

Deux jours à être perdu dans un autre espace temps, à me tromper d'hôtel [en sortant hagard du taxi fumant je rentre dans le premier hôtel se présentant à moi, tout en moquette, miroirs et luxe feutré, créatures alanguies et hautaines laissant glisser sur moi un regard mouillé de bovin, et moi désolé, battant en retraite, saisissant mon sac, saisissant ma réservation inutile, ne regardant plus l'accueil, ne regardant plus les filles, sortant dans un fracas de portes battantes pour rejoindre l'hôtel là bas, le mien, au bout de la rue... ], à me tromper de toilettes [caballero hombre , pas señorita... ah !?], à me tromper de timing [un petit coin à moi sur une place de la vieille ville dans l'air chaud encore des fins de soirée, une cigarette, une bière et un groupe de musique tziganes, violon et contrebasse - à peine avais-je allumé ma cigarette que le mirage s'évanouissait me laissant en plan avec une clope trop forte, sans musique et sans femme ! ], à me tromper d'interlocuteur [comment ça vous n'êtes pas Andréaa ?! Quelle étrangeté ! Vous l'embrasserez pour moi ! Vous n'oublierez pas n'est-ce pas ? Encore un verre de vin ?]...

Un peu enivré des vapeurs locales je rentrai à Paris aussi vite que j'étais venu et tombai nez à nez avec une pluie glaciale ! Alors que je me frayais un chemin parmi les poussettes et les voyageurs hagards, cherchant mon chemin dans le labyrinthe crasse du Terminal 2, une main amie se glisse sous ma chemise et un souffle chaud sur mon cou... Guidé par cette apparition, vivant parmi les morts, je m'enfonçai dans la nuit...