dimanche 2 décembre 2007

L'Amérique et ses mythes

Des allers-retours, une oscillation de pendule, un effet de marées.

Un rythme lent et profond, régulier, efficace.


Une relation toute faite de langueur, d'attente de se voir et de s'étreindre enfin, d'embrassades fugaces dans des espaces temps soudain accélérés.

Depuis ma petite enfance, le mythe persistant d'une Amérique heureuse. Pas très réelle, un peu lointaine sous l'effet de la distance. Une Amérique sautillante et travailleuse. Des tableaux de Norman Rockwell, des voitures pas possibles, des paysages 16/9e des films de Wim Wenders, des couleurs primaires et chaudes, des bleus, des rouges, des jaunes...

Des stéréotypes qui me faisaient rêver : des blocs de maisons toutes en briques rouille et en néons scintillants, des paquets emballés dans du papier brun, un dans chaque bras, qu'on tient bien serrés contre soi, des robes à pois voletant de mouvements amples sous l'ondulation du vent, des foulards et des lunettes de soleil extra larges.
Une Amérique urbaine nocturne, colorée par les phares de voitures, pareils à de grands serpents rouges s'étirant sans fin dans la chaleur de la nuit. Une Amérique rurale, de grandes maisons ossature bois, vaporeuses sous la chaleur du soleil.

Je faisais mon délice à rêvasser des heures durant à une vie d'hôtels miteux, de cafés brûlants et essorés servis encore et encore par des demoiselles pimpantes et cintrées dans des costumes d'un autre temps, de roads-movies sans fins...

Une litanie renouvelée sans cesse ! Des envois réguliers de cadeaux entre les deux rives de l'Atlantique : des calendriers de Garry Larson et des bouquins d'archi, des magazines du Tour de France et de recettes de grands-mères... Des cadeaux qui me semblaient alors tout droit venus de la planète Mars.

Une Amérique vécue aussi, de rencontres et de parlottes au longs cours ! Un rêve touché du bout des doigts ; au bras de beautés pas farouches - dans des décapotables dévalant les échangeurs autoroutiers, écoutant la radio crachouiller Loosing my religion de REM - en voyage expéditionnaire dans un Greyhound gaulé comme une navette spatiale métallisée et scintillante lancée comme une balle entre New Orleans et Los Angeles, dans le sud poussiéreux du Texas et de l'Arizona.

Et curieusement une odeur qui m'est restée, dégoûtante, enivrante, et à nulle autre pareille, celle de la pluie sur le bitume chaud, dans l'air du soir après une journée de torpeur.


Un va et vient renforcé par toute une flopée de héros de films, de bd et de bouquins ! Tous ayant quitté l'Europe natale pour tenter leur chance derrière la ligne d'horizon. Troquant la grisaille pour une vie de découvertes et d'aventures. Les personnages de Cosey, de Steinbeck, de Sinclair Lewis, de Bukowski sont tous les fils d'un oncle infernal, précurseur et pionnier d'un monde vierge à explorer.

Les années ont passé et insensiblement la fascination me rattrape. Fidèle à la folie qui me hante et m'a gagné depuis longtemps déjà, je décidai de passer de l'autre côté du miroir. J'ai choisi comme terrain d'atterrissage de ma planète d'adoption une Amérique inconnue de moi encore, mais cent fois fantasmée et caressée en rêves : un Québec canadien palpitant de vie, de chair et de sang.

Destin depuis longtemps tracé déjà ou fuite en avant en coup de folie particulièrement réussi ? L'avenir le dira... Toujours est-il que le prochain Oncle d'Amérique, c'est moi !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire