dimanche 19 octobre 2008

Où il est question de particules élémentaires, de soupe primitive et de 400 euros



Une histoire tristounette glissant insensiblement sur la surface huileuse et glacée des choses, sans que rien sur elle n'ait de prise, comme une petite bille d'eau soûlote titubant au gré du vent sur la surface grasse et dodue des nénuphars, dans la chaleur moite des mares.

Dans les rais de lumière ; des fragments de matière qui volettent, se croisent et se frôlent, livrés à eux-mêmes et jouets entre les mains d'un destin blagueur, ballottés dans le magma bouillonnant d'une soupe primitive. Pas d'entité cohérente dans ces corps en mouvement, pas d'intention d'être encore. Un rien que moins de naissance. Mais une impulsion pourtant ; en demi-teinte le filigrane d'une innocence perdue.
Pour qui sait les lire, les signes d'une mécanique de vie dans ce ballet de particules en suspension.

Au coeur des heures placides aux vols insouciants, un frémissement qui vient citronner la surface de l'air, un souffle qui doucement agrège ces étoiles éparses en un ensemble parfait, rond, lisse, insaisissable, animé de sa propre force et volonté, en tout point étranger à la logique et la morale.


Étranger aux arcanes du pouvoir, mon destin était depuis longtemps scellé lorsque, au printemps, je quittai les allées tortueuses du 10 ème arrondissement, ses habitants aux mille vies alambiquées et à la joie féroce et ses immeubles flanqués d'escaliers en colimaçon, pour les avenues rectilignes du 16 ème, la douce quiétude de ses cours intérieures et ses petits ascenseurs désuets.

Échaudé par des promoteurs peu scrupuleux, innocent et naïf, et pensant être le maître enfin du cours facétieux de la vie, je pris les devants - effaçant toute trace d'une vie d'aventures, de taches de vin, d'ombres et de fantômes, de petits jours aux nuages gris, de sourires aux soleils éclatants, de nuits blanches, d'affichages sauvages - et m'efforçai de rendre vierge de toute souillure ce qui aurait pu être l'appartement témoin d'un épisode d'NCIS, tu le passes au rayon violet, je me prends direct 20 ans de cabane !

Pensant avoir brisé le signe indien de 10 ans d'états des lieux catastrophiques, je baissai la garde, sur de ma victoire. L'attaque vint d'ailleurs, masquée et perfide, vicieuse. Un coup sec et fatal qui me laissai pantelant.


Voilà l'histoire...

J'avais souscrit, pour mon précédent logement, au contrat d'un fournisseur d'énergie. Mon remplaçant en fit tout autant.
Deux petits grains de sable firent sombrer dans le surréaliste une passation de pouvoir qui aurait pu être simple.
Nos fournisseurs d’énergie se sont avérés être différents.
Les relevés de compteurs lors de l'échange, engrenage fatal, se sont révélés erronés.

Au final, un dénouement tragique et un dossier classé. Sans recours possible je me trouvai mis en demeure de payer la somme de 400 euros. Ce que je fis - non sans avoir perdu un temps et une énergie considérables dans une suite d'AR sans réponse, de coups de fils à des numéros surtaxés, des heures de conversations ubuesques lors de médiations sans fin et sans espoir...

Passé un moment de juste énervement et de froide colère - je vais t'enculer salope ! - je décidai d'analyser froidement la situation et, à défaut de comprendre - d'au moins poser les questions...

- Pourquoi n'y a t-il pas un mécanisme de sûreté à l'édition et à l'envoi de factures, ce qui éviterait de faire payer à un célibataire, en un mois, l'équivalent de la consommation de toute une année d'une famille nombreuse...
- Dans notre civilisation de l'aseptisé, du risque zéro, d'une sécurité à tout prix dont on nous bassine à longueur de temps, pourquoi n'y a t-il personne qui se soit inquiété d'une possible fuite de gaz propre à faire sauter tout l'immeuble et, par un jeu de domino, le quartier qui y est accolé ?
- Tout relevé de contrôle pour corriger une erreur de saisie m'a été interdit au motif de changement de fournisseur d'énergie. Je vois mal le rapport...
- Tous les fournisseurs ont sensiblement le même nom de sorte que personne ne sait s'il est rattaché – ou non - à l'opérateur historique. Il doit y avoir une raison marketing à cela -[édictée par un taré écervelé en chemise rose et costume rayé que je vois jouer sur des Game Boy dans mon RER du matin – abruti de jeu pour passer le temps et le goût resté sur ses lèvres de l'acidité rance de sa petite bite et de sa grosse bonne femme]- que je ne saisis pas...
- Qu'aurais-je bien pu acheter avec ces 400 euros ?
[
- un billet d'avion pour le Canada
- 10 restos dans une rue animée et adjacente à la rue Montorgueil
- un loyer à Montréal
- un micro bout du Réflex dont j'ai tant envie
- un diamant pour ma blonde
- la moitié de la télé de mon pote
- une PS3
- 200 bouquins à 2 euros
- un ordi portable et luisant de mille feux
- l'impression d'une thèse de 800 pages en 20 ex reliés
- une cuite royale
- la moitié d'un chien
- une flopée de chats
- les quatre roues et un plein d'essence de mon futur pick-up
...
]

Bref, écrasé par une machinerie monstrueuse et insaisissable, qui m'est de loin supérieure, j'hésite entre une lutte à mort (la mienne) et un renoncement au mépris insultant. Les aventures semblables lues çà et là font froid dans le dos, et, m'estimant finalement heureux et sorti d'affaires, je fais insensiblement le choix de la sagesse...

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