jeudi 13 décembre 2007

Helen Levitt à la Fondation Cartier-Bresson

Par une curiosité que je ne m'explique pas, régulièrement, comme je quitte le Canal Saint-Martin et sa fureur de vivre pour faire mes révérences amicales à la Fondation Cartier-Bresson, je suis obligé de braver la tempête !... Si bien que je n'ai vu cette superbe fondation du fond de l'Impasse Lebouis que dans le clair-obscur de la nuit tombée, sous des ciels gris-bleus d'orage, les nuages défilants au-dessus de nos têtes balayées par des vents rageurs !

Aujourd'hui encore, luttant contre les courants contraires je me fis allié du mauvais temps, et arrivai transi, trempé et heureux, pour me jeter avec délice dans l'oeuvre de Helen Levitt exposée ici, que je connaissais si mal, mais dont quelques photos, piochées ici et là, m'accompagnaient partout...

L'exposition, présentée sur trois étages, est passionnante !

Helen Levitt s'est tellement remise en question [a tellement remis son art en question], et fait évoluer sa pratique de la photo [techniques, cadrages, couleurs, perspectives] qu'on a l'impression de découvrir sur deux niveaux les oeuvres de photographes différents.

Au premier, des photos en noir et blancs prises dans les quartiers pauvres de New-York. Des scènes de rues pour la plupart. Prises sur le vif.
Il n'y a pas d'effet recherché, les cadrages sont propres, posés, équilibrés.
Il y a une grâce qui transparait de toutes ces photos, une candeur comme si l'époque était alors plus douce que la notre, une naïveté aussi - [dans les regards doux et un peu lointains, les graffitis dessinés à la craie sur les murs ou à même la route, les jeux d'enfants, l'idée d'une pauvreté qui ne serait pas violente, d'une égalité candide des blancs et des noirs] - et souvent de l'humour et du détachement.

Au deuxième étage, les mêmes rues, mais la donne a changé ! Comme deux faces d'une même réalité ; l'une négative, l'autre positive ! (Ce qui finalement est assez logique dans une expo photo...)

Les photos ici sont de couleurs vives [de grandes portes décrépites aux aplats de rouges écaillés de blancs, des verts olive parcheminés de jaunes, des touches de verts éclatants, des bleus profonds], et laissent affleurer partout une violence contenue [les cadrages se font dynamiques, les images se télescopent, les corps sont en mouvement, forts et musculeux , le travail est physique, harassant [de pousser des chariots à roulettes, de porter des sacs géants], les corps sont dédoublés, pris dans des jeux de miroir, la ville est fiévreuse, la vie fragmentée et éclatée]. Des volutes de tags enveloppées de couleurs ont remplacé les graffitis en bâtonnets tout raides des enfants.

La troisième salle s'ouvre sur un loft ouvert et lumineux qui domine Paris.

Et moi, tanné dans un canapé devant un film drôle et trépidant, de me dire que décidemment j'adore cette photographe. Que j'adore cette Fondation. Et de me promettre d'y retourner vite, un jour prochain de tempête !...

Mais encore !
Fondation Cartier-Bresson : www.henricartierbresson.org
Crédits photo : Helen Levitt

2 commentaires:

  1. C'est après que tu en aies fait la remarque que j'ai été frappée par cette différence entre les deux étages de l'exposition. Tu as raison, on passe d'une vision qui semble atténuer la misère à travers le filtre du noir et blanc, à une présentation aux couleurs vives de personnages pressés, fatigués, cachés par des portes, des journaux, des voitures. Grâce à toi, j'ai pu savourer plus en profondeur le travail d'H. Levitt.

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  2. Bon, c'est un peu l'impression que ça m'a fait...
    Mais c'est vrai qu'elle est extra cette expo, il faut aller la voir !... Et puis cette Fondation c'est vraiment un fantasme de Parisien ; avoir un loft / atelier d'artiste calme et lumineux !! Mon rêve ! (Avec une maison sur les bords d'un lac Québécois, mais c'est un autre problème...)
    A bientôt Elseneur...

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