vendredi 7 septembre 2007

Sauts de puce

Sauts de puce d'îles en îles, notamment Utö et Fjarland.

Etablissons notre camp de base dans les campings déserts [les derniers touristes se sont fait suçoter la moelle et les os par des moustiques voraces] et passons nos journées à nous perdre sur des sentiers de pierre et de bruyère.

Nous laissons bercer par la somnolence tranquille des îles en fin de saison et par l'activité placide des petits ports. Villages et fermes essaimés d'une grappe de bâtiments d'un beau rouge/rouille.

Un temps figé semblable à nos souvenirs d'enfance semble ressuscité, jusque dans ses couleurs jaunes orangées des fins d'après midi. Un temps de jeu et d'insouciance où rien n'avait d'importance que de dormir dans des cabanes, de courir éperdus sur des pontons de bois et de sauter dans l'eau, encore et encore, ne se séchant jamais, de l'eau plein les yeux et les cheveux plaqués, laissant le soleil nous griller la peau.

Un temps à régner sur un monde de forêts multicolores et lumineuses à décider en maître du destin d'une armée de petites bêtes et à tracer pour elles une vie de gloire et d'aventures sur des chemins nouveaux.

Mais l'enfance en allée trouve ses compensations.
Les criques perdues recèlent de plaisirs nouveaux, et je me voyais mal, il y a longtemps déjà, imaginer dans les paysages et les plis de matière des mondes en miniature.

Recherchant des équilibres entre les lignes de fractures, des tableaux abstraits dans les fragments de matière, des notes de musiques dans les arrangements de petites mousses phosphorescentes tachetant la surface grise des roches.

Comparant la peau grêlée des pierres à des paysages vus d'avion, la moindre crevasse semblable à un cours d'eau reptilien, ou rêvassant des heures, m'imaginant, en macro, lilliputien dans un monde géant de mousses et de lichen.

Quittons Fjarland le lendemain d'une nuit d'automne, notre petite tente bien isolée au milieu d'une grande clairière bordée d'une forêt agitée de soubresauts. Comme rendue vivante sous les coups du vent.

Nous prélevons quelques branches de bois mort sans s'aventurer trop pour ne pas réveiller quelques vieux maléfices vikings [bien gardés cependant par les épeires dodues traquant les moustiques et les français bien nourris dans l'arrangement savant de leurs toiles géantes]. Alors que le soir tombe, la fumée de notre feu se confond avec un brouillard chargé de pluie.

Le vent fait frissonner la cime des arbres. Bien agrippés à nos marshmallows grésillants on se dit que l'hiver ici ne doit pas être tendre pour les âmes en délicatesse. Une nuit d'encre d'un noir épais mâtiné de bleu sombre nous avait depuis longtemps enveloppés qu'un grand suédois surréaliste sort à poil de son sauna et s'ébroue au loin dans un bac d'eau glacée.

Portées par le vent, nos pensées et les braises incandescentes s'envolent et se perdent…

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