mardi 23 mars 2010

Installation à Montréal - 1


Le décollage a finalement eu lieu !

Moi qui n'y croyais plus, qui pensais que les terribles lois d'un destin contrarié auraient raison de mon triste sort, que je serais terrassé quelques jours avant le départ par une attaque cardiaque, que l'avion serait cloué au sol par une invasion de sauterelles, que la foudre s'abattrait trois fois, et au même endroit, sur moi !

Rien de tout ça ! Pas le moindre rhume à l'horizon, les animaux dans leur tanière et la grippe gentillement attendant l'hiver.

La chemise pour être beau à la douane trempée de sueur, les mains pleines de valoches, deux sacs rivés au corps, le cerveau en ébullition, bouillonnant comme une marmite des premiers jours, enserré par un feutre de poils de castor sans doute fraîchement dézingués dans mon pays d'adoption, je passe fièrement la frontière et entre dans le no man's land des zones de transit où l'homme est libre de ses rêves les plus fous. Un ange passe trainant dans son sillage un zéphyr aérien s'élevant langoureusement. L'avion dans sa foulée. Toute la masse d'un 747 lancée à pleine puissance vers des horizons nouveaux !

Arrivée à Montréal, taxi rasta rocket slalomant de toute la mollesse permise par sa boite automatique entre les gros trucks américains gavés d'essence, arrivée surréaliste et tant attendue par un périphérique surélevé laissant derrière nous des zones de friches industrielles, des terrains sableux et à jamais irrécupérables, des petits restaurants cradingues que l'on aimerait mal-famés et grésillant de néons verdâtres, vantant les mérites rafraichissants de Bud ou de Coors, comme dans les films, et laissant apparaître au loin, dans une brume orangée de début de soirée, les tours du down-town de Montréal.

Le taxi s'octroie un généreux pourboire, premier racket du genre, ce ne sera pas le dernier, et nous lâche rue Durocher au pied d'un immeuble brun dépareillé lézardé dégueulasse. Idéalement situé entre le centre des affaires et les prémices du plateau, entouré de résidences universitaires, avec une vue moitié sur un immeuble aussi pourri que le notre, mère de famille débordée la clope au bec et le cheveux gras, le gros du bide entre deux âges vivant en slip toute la journée - cette chaleur moite vous comprenez - se protégeant des regards et du soleil d'un drap crasseux tendu sur les fenêtres, moitié dégagé vers l'Est et les abords du port.



L'appart à l'avenant, fenêtre s'ouvrant au tiers laissant l'atmosphère suffocante, les lattes des stores cassées, un électroménager de poupée Barbie, un chewing-gum dans la baignoire.

Le paradis !

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