jeudi 25 mars 2010

Installation à Montréal - 2

Décalage horaire créant un fossé entre deux mondes. Six heures béantes à combler bien plus vastes et profondes que les Kms qui s'étendent en une longue hyperbole au dessus de l'Atlantique.

Deux courtes journées à errer hagard dans les rues dépeuplées aux premières heures du jour et à apprivoiser un périmètre aux cercles concentriques autour de l'appartement. A rayer sur notre liste les passages obligés : tourner à angle droit, les tours du quartier d'affaires, le port désert balayé d'un vent glacé venu du pôle, vieux reste d'un sursaut d'hiver - sommes les seuls à être emmitouflés, les montréalaises sont, elles, imperturbables dans leurs petites robes à bretelles - grimpette de deux heures sur la colline du Mont-Royal pour une vue mille fois ressassée, les ruelles tellement bucoliques du Plateau.



Deux jours à croiser nos premiers québécois, si gentils et courtois. Qui ne nous voient pas. Nous sommes transparents comme des fantômes.

Deux nuits de plomb, des rêves en nuances de gris, au plus profond de la conscience. Flash-back et passage en revue dans des éclairs de fièvre de toute une galerie de portraits. Des amis, la famille, des embrassades échangées, des repas sans fin, des verres trinqués qui laissent au réveil comme une réminiscence de tintement de cloche un matin de Pâques.

Six heures de décalage horaire comme un ultime sursis, un trou dans l'espace temps. Une vie en parallèle, continuation de ma vie d'avant profitant du moment de grâce pour adoucir les fissures d'un départ tellement attendu et pourtant trop rapide. Six heures à courir les demandes de pardon et les bénédictions.

Six heures pour que lentement les deux masses visqueuse et mouvantes de deux vies séparées se rencontrent, rebondissent sur leur surface glissante, se rencontrent à nouveau, se collent et s'agglutinent une bulle translucide et légère, portée par des vents ascendants vers un destin nomade et bondissant.


Alarme incendie. Réveil en vrac d'un sommeil profond. Sursaut. Images saccadées. Ce qui reste de réflexe pour empoigner un sac de survie - les papiers et l'argent - passer la barrière de fumée du troisième étage et se retrouver à moitié à poil parmi les locataires pas plus impressionnés que ça. Déphasage complet.

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